Histoire du bouton

À voir les petits boutons ordinaires qui décorent les vêtements d’aujourd’hui, on pourrait se demander quel intérêt on peut avoir à les collectionner. La plupart des gens préfèrent un vêtement sobre, classique, aux boutons discrets. Mais autrefois la mode imposait d’autres critères ; la fabrication du bouton la suivait et produisait des boutons qui étaient des véritables œuvres d’art, comparables à des bijoux. C’est cet art en miniature qui attire les collectionneurs.

Le bouton est l’accessoire nécessaire des vêtements ajustés, il n’est donc pas étonnant qu’il n’ait été inventé qu’à l’époque où les transformations du costume eurent pour caractéristique la diminution de l’ampleur des vêtements. L’histoire du costume témoigne que les boutons ont été plus souvent un ornement qu’un objet utilitaire.

C’est au XIIe siècle qu’on les vit apparaître. Les garnitures de boutons d’argent, d’or et de perles se substituèrent aux agrafes. Au milieu du règne de Saint Louis (1226–1270), les manches du surcot allèrent jusqu’au poignet, larges par le haut, serrées très fort sur l’avant-bras. Elles étaient si justes par le bas, qu’il aurait été impossible de les mettre, s’il n’était pas possible de les fermer par des boutons. Certaines robes de femmes (et d’hommes aussi) avaient une mode étrange, celle des manches cousues. Il y avait des manches qu’il fallait coudre sur soi le matin, et découdre le soir. Cette sorte de manche est encore mentionnée au XIVe siècle.

Au XIVe siècle, les vêtements des seigneurs se fermaient à l’aide de boutons. Une description du pourpoint de Charles de Blois dit : “Cet habit est d’un drap de soie violet, broché en or de médaillons octogones qui encadrent des lions et des aigles. Il est ouvert sur le devant, avec une garniture de trente-huit boutons pour le fermer, le bas de chaque manche en a vingt. Les boutonnières sont cousues avec de la soie verte.” La richesse des boutons était excessive : beaucoup étaient garnis de pierres précieuses ou de perles, dont le prix avait considérablement augmenté.

Au XVIe siècle, on mit des boutons d’or et des bagues aux bonnets de velours noir. Le luxe dans les vêtements avait pris à cette époque des proportions inouïes, les boutons prirent dans le costume une importance énorme. On en mit partout, aux corsages, aux manches, aux épaulettes, aux robes, et ces boutons ne boutonnaient rien. Pour les corsages de femme, les garnitures de boutons se posaient sur de la soutache de ganse ou de chenille. Les boutons n’étaient pas uniformes : ils se faisaient en toutes espèces de métal, et les femmes qui n’avaient pas de diamants ou de pierreries précieuses se paraient de boutons de jais.

Vers 1760 la veste (veston, gilet) fut ornée d’un double rang de boutons et de boutonnières. Vers la fin du XVIIIe siècle, la mode remplaça les boutons d’étoffe par les boutons de métal. Les femmes comme les hommes en portèrent sur leurs vêtements. Artistiquement ciselés, sculptés ou émaillés, les boutons formèrent des collections de miniatures et devinrent des pièces de curiosité et de collection.

Depuis 1830 un ouvrier anglais, établi à Paris, inventa la machine à découper la nacre de la coquille. Bientôt parurent la machine à percer et la machine à graver le bouton. Le bouton de fantaisie n’a occupé, jusqu’en 1848, qu’une place restreinte dans la fabrication. Le bouton de papier fut inventé vers cette époque. Quant au bouton de porcelaine, il est d’invention encore plus moderne.

En 1849, il y avait une redoutable concurrence de l’Angleterre et de l’Allemagne. Invention en 1851 des boutons en pâte céramique due à M. Bapterosses

En 1862, l’Angleterre excellait dans les boutons dits de chasse et elle était presque seule alors à fabriquer le bouton de corozo à très bas prix.

En 1867, un rapport signalait l’invention d’un système de matrices à viroles combinées, qui apportait une grande économie dans les frais de gravure.

En 1878 apparaît une nouveauté : l’Autriche exposait des boutons de nacre, d’ivoire et de corozo et un article absolument spécial ; le bouton de verre de Gablonz (Bohême).

Le distingué Rapporteur du jury dénonçait les pratiques des fabricants étrangers, qui n’hésitaient pas à se servir d’inscriptions françaises pour les cartes et les boîtes d’emballage de leurs produits. Même les culots des boutons portent des désignations françaises. “Les cinq sixièmes des boutons fabriqués à l’étranger portent ces inscriptions.”

En 1889 on écrivait que toute la science moderne a été mise à contribution par l’industrie boutonnière : à la mécanique elle a demandé les instruments de découpage et d’estampage, à la chimie, les procédés de teinture de boutons, à la galvanoplastie, le meilleur système de dorure, d’argenture et de nickelage. Elle a appliqué la vapeur à ses machines et le gaz aux opérations de soudure. Les fabricants de boutons sont arrivés à fonder des établissements considérables où sont réunis des fondeurs, des lamineurs, des estampeurs, des graveurs, des perceurs, des brunisseurs, des doreurs, des argenteurs, des bronzeurs, des vernisseurs et des soudeurs. Cette industrie n’a pas seulement pris qu’en France un si large essor. “A l’étranger, il n’est presque aucun pays qui ne s’occupe pas de la fabrication des boutons. L’Allemagne du Nord traite tous les genres, l’Autriche excelle non seulement dans la production des boutons de verre qui lui appartient en propre, mais aussi dans la fabrication des boutons de nacre, d’ivoire et de corozo. La Belgique et l’Espagne se distinguent surtout dans la boutonnerie métallique. Enfin, le Portugal, la Suède, la Russie et l’Amérique du Nord voient s’établir chaque année un ou plusieurs fabricants qui s’attachent à tel ou tel genre de production.

A l’exposition universelle internationale de 1889, il y avait trois exposants belges. L’un pour l’équipement militaire nous offre des produits de bonne fabrication courante. Le deuxième présente des boutons de métal pour uniformes et pour pantalons, ainsi que des boutons de tissu, assez réussis. Le troisième, des boutons de corozo et d’os d’une bonne fabrication courante. Le développement de cette industrie en Belgique se manifeste d’une façon sensible.

Bibliographie

  • J. Hayem, A. Mortier, Rapport de l’Exposition universelle internationale de 1889
  • N. Fink, M. Ditzler, Boutons, Books&Co, 1999